J’ai quelques questions à vous poser de Rebecca Makkai [Service presse]

Elizabeth Kane, alias Bodie, est une podcasteuse de true crime célèbre. On lui propose une mission de 15 jours dans son ancien lycée Grandy, en qualité de professeure pour enseigner l’art du podcast et du cinéma. Elle accepte le job tout en gardant à l’esprit que cette mission va lui faire se remémorer les bons et les moins bons souvenirs de cette époque où elle y était lycéenne elle-même. Elle se fixe comme objectif entre autres de se démontrer à elle-même qu’elle a changé depuis cette période, qu’elle est désormais une femme qui s’assume et qui n’est plus aussi vulnérable qu’elle pouvait l’être étant adolescente.

Bodie est restée 4 ans dans ce lycée et vers la fin de son pensionnat, une de ses anciennes colocataires, Thalia, a été retrouvée morte dans la piscine du lycée. Le coupable aux yeux de la justice, Omar Evans, était tout trouvé : il a été arrêté et incarcéré très vite. Seulement, des doutes persistent et font encore l’objet d’émissions de télévision, de discussions sur Internet entre enquêteurs amateurs entre autres. Avant de commencer sa nouvelle mission, Bodie elle-même se replonge dans les vidéos diffusées en ligne et finit par se poser des questions. Est-ce qu’Evans avait vraiment un lien avec ce meurtre ?

Au-delà des questions que Bodie va se poser à ce sujet, l’intérêt du roman réside essentiellement sur la prise de conscience du rapport homme/femme avant et après le phénomène #metoo. Aux yeux de Bodie, ce qu’elle et ses amies ont vécu au cours de ces années 90 dans ce lycée ne sont plus reconnus aujourd’hui comme bénins, loin de là. Ce qu’elle a pu ressentir à l’époque, et qu’elle ne matérialisait pas avec des mots avec ses amies, c’était une sorte de soumission aux garçons, comme par exemple, les laisser gagner une course pour ne pas les heurter, ou le fait que des brimades, qui semblent de prime abord innocentes, sont de plus en plus difficiles à vivre pour les filles et pourraient s’apparenter aujourd’hui à du harcèlement voire pire.

Dans ce roman qui prend son temps, le lecteur est plongé dans une période dans laquelle le concept même de #metoo était inconcevable, car les femmes en général prenaient ces situations comme difficiles mais « normales ». Ce parallèle avec la période actuelle est intéressant car l’autrice critique à certains égards ce mouvement #metoo. N’est-on pas tombé dans l’extrême avec ce mouvement en accusant les hommes comme de potentiels agresseurs « par défaut »? N’y a-t-il pas des situations dans lesquelles des femmes se réfugient à tort dans ce mouvement en pensant sincèrement que des gestes anodins sont de possibles marques d’autorité envers les femmes ?

Bodie fait souvent allusion à un ancien professeur et s’adresse à lui directement à plusieurs reprises dans le roman. Ce fil rouge était une vraie motivation à tourner les pages pour connaître le fin mot de l’histoire à ce sujet. L’autrice sait nous tenir en haleine sur tous ces sujets et c’est ce qui fait la force de ce roman.

Ce roman donne une vraie occasion de réfléchir sur ce thème qui est complexe, sur fond de nostalgie des années 90 : sans Internet, sans portable, sans réseaux sociaux. En y réfléchissant bien d’ailleurs, si ce meurtre avait eu lieu de nos jours avec tous ces équipements, il aurait été plus facile à résoudre. Mais là n’est pas l’intérêt principal de ce roman, même si j’ai suivi très attentivement l’enquête pour connaître le fin mot de l’histoire.

En bref, une belle découverte sur un sujet plus que d’actualité. L’autrice prend son temps, comme pour nous immerger dans l’histoire de ce lycée. En fermant le roman, on quitte à regret cette école… Quoique.

Résumé éditeur

Quand Bodie Kane, podcasteuse de true crime à succès, est invitée à animer un cours dans le pensionnat huppé où elle a étudié, elle se retrouve face à un passé qu’elle avait tout fait pour oublier. Vingt ans auparavant, Thalia, la jeune fille avec qui elle partageait sa chambre, a été assassinée.
Bodie, avec son regard de femme adulte, plonge de nouveau dans les zones d’ombre qui entourent l’affaire Thalia. Dans leur empressement à trouver un coupable, l’école et la police ont-elles condamné à tort l’homme qui continue à clamer son innocence ?
En se lançant dans une enquête qui la confronte à l’adolescente qu’elle était alors, Bodie commence à douter de la mémoire collective et à interroger ses propres souvenirs à l’aune des questionnements de la société d’aujourd’hui, autour du mouvement #MeToo, des féminicides et des rapports de domination sociale.

Éditions : Les Escales

Nombre de pages : 496 pages

Date de publication : 14/03/2024


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